Les effets de sevrage des antipsychotiques sont encore ignorés

Points clés

  • Les médicaments antipsychotiques ont de graves effets de sevrage pour environ la moitié des personnes qui tentent de les arrêter.
  • Au Royaume-Uni, les antipsychotiques continuent d’être exclus lors de la révision des lignes directrices sur la manière d’arrêter les médicaments psychiatriques.
  • La méconnaissance par les médecins des effets de sevrage des antipsychotiques les amène souvent à penser que le problème initial est en train de réapparaître.
  • Les personnes arrêtent souvent les antipsychotiques « d’un coup » et n’obtiennent alors aucun soutien de la part du prescripteur.

Le mois dernier, j’ai écrit une lettre ouverte, en tant que président de l’International Institute of Psychiatric Drug Withdrawal, pour demander au National Institute for Health and Care Excellence (NICE) du Royaume-Uni de revenir sur sa décision d’exclure les antipsychotiques des lignes directrices que le NICE est en train de rédiger sur les « médicaments associés à la dépendance ou aux symptômes de sevrage ».

Voici une version légèrement abrégée des 10 raisons que nous avons invoquées.

1. Un important article scientifiquedécrivant comment les patients peuvent cesser de prendre des antipsychotiques en toute sécurité tout en minimisant le risque d’effets de sevrage et le risque de rechute vient d’être publié.1

Le professeur David Taylor, auteur principal de l’étude et professeur de psychopharmacologie au King’s College de Londres, a commenté l’étude : « Les antipsychotiques induisent des changements durables dans les cellules nerveuses du cerveau et doivent être retirés très lentement (et d’une manière particulière) pour laisser le temps au cerveau de se réinitialiser« 2.

2. La première revue systématique et méta-analyse sur la survenue de symptômes de sevrage après l’arrêt d’un antipsychotique a révélé qu' »une moyenne pondérée de 53 % des individus présentaient des symptômes de sevrage après l’arrêt brutal d’un antipsychotique et la substitution par un placebo « .3 Une enquête auprès d’utilisateurs d’antipsychotiques (la plus importante à ce jour – provenant de 30 pays) a révélé que 65 % d’entre eux signalaient des effets de sevrage lorsqu’ils essayaient d’arrêter et que 51 % d’entre eux qualifiaient leurs effets de sevrage de « sévères ».4 Lescommentaires des participants incluaient notamment :

« Le sevrage de l’antipsychotique a été torturant et a duré très longtemps » et

« Les symptômes de sevrage étaient toujours mis sur le compte d’une rechute de ma ‘maladie' »5.

3. D’autres organismes soutiennent l’inclusion des antipsychotiques dans la révision du NICE : les quatre groupes participant initialement à la définition du champ d’application de la ligne directrice du NICE, le All-Party Parliamentary Group for Prescribed Drug Dependence et Mind, la plus grande organisation caritative du Royaume-Uni dans le domaine de la santé mentale. Même les sociétés pharmaceutiques Grünenthal et Pfizer sont favorables à l’inclusion.

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4. La position du NICE selon laquelle « ces médicaments sont prescrits pour des conditions définies très spécifiques » et que, par conséquent, les questions sont traitées par la guidance du NICE sur la schizophrénie, n’est pas tenable. Le guide actuel du NICE sur la schizophrénie (CG178) relatif à l’arrêt des antipsychotiques en toute sécurité indique seulement que « si l’on arrête un antipsychotique, il faut le faire progressivement et surveiller régulièrement les signes et les symptômes de rechute ». Ceci est clairement insuffisant pour guider les prescripteurs sur la manière d’arrêter ces médicaments en toute sécurité. Nous espérons que le NICE actualisera d’urgence ce guide.

5. En outre, les antipsychotiques sont de plus en plus prescrits « hors étiquette », par exemple pour l’insomnie et l’anxiété, et pour la  » gestion du comportement » dans les prisons et les maisons de soins. Seuls 50 % environ des personnes à qui l’on prescrit des antipsychotiques au Royaume-Uni souffrent d’un troublepsychotique6. Les soins prodigués aux 50 % restants ne seront pas guidés par les lignes directrices relatives à la schizophrénie, même après leur mise à jour par le NICE.

6. Les antipsychotiques sont l’une des classes de médicaments dont la croissance est la plus rapide en Angleterre, passant de 9,4 millions d’ordonnances en 2015/2016 à 11 millions d’ordonnances en 2019/2020.

7. Les antipsychotiques sont souvent prescrits contre la volonté de la personne. Cela crée une obligation particulièrement forte de prendre soigneusement en compte les effets du sevrage lors de la prise de décision concernant le traitement.

8. En l’absence de directives formelles pour le sevrage, la prescription à long terme d’antipsychotiques est courante et peut entraîner des effets indésirables graves, parfois dangereux.

9. L’une des raisons invoquées par le NICE pour justifier l’exclusion des antipsychotiques est que le Royal College of Psychiatrists, contrairement à d’autres groupes de santé mentale, s’oppose à leur inclusion. Nous pensons que le NICE a été beaucoup trop dépendant des opinions du Collège pendant beaucoup trop longtemps et que cela a pu faciliter des décennies de déni et de minimisation des effets de sevrage d’autres médicaments psychiatriques, tels que les antidépresseurs.

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10. Il existe déjà deux séries de lignes directrices7, 8 qui pourraient, avec l’article publié cette semaine par Mark Horowitz et sescollègues1, servir de base à l’élaboration de lignes directrices du NICE sur le sevrage des antipsychotiques. Nous espérons que ces documents vous seront utiles dans les mois à venir.

Peut-être aurions-nous dû énumérer les effets indésirables des antipsychotiques4, 5, 9 qui conduisent tant de personnes à s’en passer, souvent sans aucun soutien. Il s’agit notamment de somnolence/sédation, de prise de poids importante, de diabète, de problèmes cardiovasculaires, de réduction du volumecérébral10 et de raccourcissement de la durée devie11.

Si les antipsychotiques peuvent présenter certains avantages à court terme, notamment la sédation, leur utilisation à long terme a des conséquences négatives pour de nombreuses personnes.12

Il existe actuellement très peu de recherches sur la lenteur avec laquelle les personnes doivent se défaire de ces médicaments, et sur le type de stratégies et de soutien à mettre en place.1, 13

L’International Institute of Psychiatric Drug Withdrawal estime que ce n’est qu’une question de temps avant que des décennies de minimisation des effets de sevrage des antipsychotiques ne cessent, comme cela a été le cas récemment pour les antidépresseurs. Ce n’est qu’à ce moment-là que les millions de personnes qui essaient de se débarrasser de ces médicaments pourront recevoir l’aide dont elles ont besoin pour le faire en toute sécurité.

Références

1 Horowitz, M. et al. (2021). A Method for Tapering Antipsychotic Treatment That May Minimize the Risk of Relapse (Une méthode de réduction progressive du traitement antipsychotique qui peut minimiser le risque de rechute). Schizophrenia Bulletin, sbab017, https://doi.ohttp://doi.org/10.1093/schbul/sbab017rg/10.1093/schbul/sba….

2 https://metro.co.uk/2021/03/23/new-paper-on-how-to-stop-antipsychotic-drugs-deemed-historic-breakthrough-14287804/?ito=cbshare

3 Brandt, L. et al. (2020). Antipsychotic withdrawal symptoms : a systematic review and meta-analysis (symptômes de sevrage des antipsychotiques : une revue systématique et une méta-analyse). Frontiers in Psychiatry, https://doi.org/10.3389/fpsyt.2020.569912

4 Read, J., Williams, J. (2019). Effets positifs et négatifs des médicaments antipsychotiques : une enquête internationale en ligne auprès de 832 bénéficiaires. Sécurité actuelle des médicaments, 14, 1-28.

5 Read, J., Sacia, A. (2020). Using open questions to understand 650 people’s experiences with antipsychotic drugs. Schizophrenia Bulletin, 46, 896-604.

6 Marston, L. et al. (2014). Prescription d’antipsychotiques dans les soins primaires au Royaume-Uni : A cohort study. BMJ Open, 4(12). http://doi.org/10.1136/bmjopen-2014-006135

7 Manuel de réduction de l’étude RADAR(Research into Antipsychotic Discontinuation and Reduction, NIHR Programme Grant) ;

and the recent German National Guidelines for Schizophrenia – Deutsche Gesellschaft für Psychiatrie und Psychotherapie, Psychosomatik und Nervenheilkunde (2019b). S3-Leitlinie Schizophrenie. AWMF-Register Nr. 038-009. Abbreviated Version (English). Düsseldorf: DGPPN.

8. Cooper, R., Grünwald, L., Horowitz, M. (2020). The case for including antipsychotics in the UK NICE guideline : « Medicines associated with dependence or withdrawal symptoms : safe prescribing and withdrawal management for adults » (Médicaments associés à des symptômes de dépendance ou de sevrage : prescription sûre et gestion du sevrage pour les adultes). Psychosis, 12, 89-93, doi : 10.1080/17522439.2020.1722734

9. Hutton, P. et al. (2013) Antipsychotic drugs. Dans Models of Madness, pp 105-124. Routledge

10. Ho, B., et al (2011). Long-term anti-psychotic treatment and brain volumes. Archives of General Psychiatry, 68, 128-137.

11. Weinmann, S., et al (2009). Influence des antipsychotiques sur la mortalité dans la schizophrénie : Systematic review. Schizophrenia Research, 113, 1-11.

12. Jung, E., et al. (2016). Symptômes, fonctionnement et stratégies d’adaptation chez les personnes atteintes de troubles du spectre de la schizophrénie qui ne prennent pas de médicaments antipsychotiques : une étude d’entretien comparative. Psychological Medicine, 46, 2179-2188.

Bola, J., et al. (2009). Psychosocial treatment, antipsychotic postponement, and low dose medication strategies in first episode psychosis: a review of the literature.Psychosis, 1, 4-18.

13. Larsen-Barr, M., et al. (2018). Tentative d’arrêt des médicaments antipsychotiques : Méthodes de sevrage, rechute et réussite. Psychiatry Research, 270, 365-374.

Larsen-Barr, M., (2018). Attempting to stop antipsychotic medication: Success, supports and efforts to cope. Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, 53, 745-756.