Points clés
- Les gens ont tendance à utiliser deux modèles erronés mais séduisants pour expliquer le fonctionnement de notre esprit : la théorie du petit directeur et la théorie de M. Spock.
- La recherche a montré que nous prenons des décisions de manière inconsciente, et non consciente, et que les émotions sont toujours impliquées.
- En ces temps de surcharge d’informations, il est plus important que jamais de découvrir la vérité, même lorsque c’est difficile.
Il y a des années, j’ai participé à un cours de logique, un cours extrascolaire destiné à faire de nous de meilleurs débatteurs. Je n’oublierai jamais l’exemple de la première forme de persuasion contre laquelle l’instructeur nous a exhortés à nous méfier – la répétition – parce qu’elle était si simple et si manifestement dépourvue de valeur logique. Ce n’est pas parce que l’on répète quelque chose que cela devient vrai. L’exemple portait sur une boisson caféinée mythique appelée « Get Up » : Get Up’s got get up. Obtenez Get Up pour obtenir le regain d’énergie dont vous avez besoin. Vous l’avez ? Get Up ! Get Up !
D’une certaine manière, l’inanité du jingle résumait parfaitement pour moi l’inutilité de la répétition. J’ai donc été un peu déprimé d’apprendre que, selon de nombreuses recherches récentes, c’est toujours l’un des moyens les plus efficaces de persuader les gens. Deux autres moyens faciles consistent à laisser les gens se débarrasser de l’hameçon de la persuasion, en disant quelque chose comme « mais vous êtes bien sûr libre de faire autrement« , et à donner l’impression que quelque chose est simple et familier. Les psychologues ont appelé ce dernier point la fluidité cognitive, qui va de pair avec son contraire : plus nous devons faire d’efforts pour comprendre quelque chose, moins nous sommes susceptibles de croire que c’est vrai.
Je trouve cette dernière idée particulièrement déprimante parce que nous vivons à une époque de vérités dures et compliquées et que nous devons tous travailler plus dur pour saisir le fil de la pensée afin de comprendre notre monde à un niveau de complexité suffisant plutôt que de nous contenter de vérités simples, faciles et apparentes.
Le fait que ces techniques de persuasion fonctionnent devrait également nous rappeler à quel point nos processus de décision sont loin d’être logiques. Pourquoi ne sommes-nous pas les géants de la raison et de la logique que nous aimons penser être ? Le problème commence par l’incompréhension du fonctionnement réel de notre esprit. Nous utilisons deux modèles erronés mais séduisants pour expliquer le fonctionnement de notre esprit : la théorie du petit directeur et la théorie de M. Spock.
La plupart d’entre nous imaginent qu’une petite personne assise dans notre tête dirige nos actions. Ce petit directeur remarque que nous avons soif, par exemple, et nous ordonne alors d’attraper un verre d’eau et de boire. L’intérêt de cette théorie est qu’elle nous permet de prendre en charge consciemment notre cerveau et nos actions. Bien sûr, nous savons que nous n’avons pas à penser consciemment à faire battre notre cœur ou à respirer pendant notre sommeil, mais toutes les autres choses importantes sont quelque chose que nous contrôlons consciemment – du moins c’est ce que nous aimons croire.
La théorie de M. Spock fonctionne comme suit : nous avons un esprit conscient et logique qui représente le meilleur de nous-mêmes. Les émotions sont désordonnées, stupides et, bien sûr, émotionnelles. Il est préférable de prendre des décisions en ignorant le plus possible les émotions et en s’en tenant à la logique.
Ces deux modèles nous indiquent donc que nous contrôlons la situation et que nous pensons de manière logique et non émotionnelle.
Mais les découvertes neuroscientifiques de ces dernières décennies nous apprennent que nous prenons des décisions inconsciemment, et non consciemment, et qu’il est en fait impossible de prendre des décisions sans émotion. Les émotions s’attachent aux souvenirs dans notre esprit afin que nous puissions distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Loin de les étouffer, nous devons comprendre que les émotions sont essentielles au bon fonctionnement de notre esprit et de notre prise de décision. Sans émotions, nous aborderions chaque décision, voire chaque acte, avec une indifférence paralysante. Dois-je tourner à gauche ou à droite ? Qui s’en soucie ? Dois-je partir ou rester ? Peu importe. Dois-je voter pour le candidat A ou B ? À quoi bon ? Sans émotions, vous restez dans l’indécision, incapable d’aller de l’avant.
Quelles sont donc les implications pour la pensée et la persuasion ? Elles sont nombreuses, mais concentrons-nous sur deux d’entre elles.
Tout d’abord, nous devons reconnaître l’importance des aspects émotionnels et intellectuels de notre pensée si nous voulons être en mesure de comprendre comment fonctionne la persuasion. N’évitez pas l’émotionnel et ne faites appel qu’à la logique, car vous serez immédiatement oublié.
Deuxièmement, même si nous sommes conscients du rôle de l’émotion dans la mémoire, la prise de décision et la persuasion, nous devons nous méfier de ces formes élémentaires de manipulation que sont la répétition, la dérobade et la simplification. Ces techniques se nourrissent directement de l’inconscient et créent un accord par la reconnaissance sans pour autant avoir une valeur de vérité inhérente.
Alors que le monde s’accélère, que l’information nous submerge et que le volume de ce que nous devons comprendre augmente chaque jour, l’attrait des arguments simples et répétitifs va croître, et non diminuer. Nous devons être encore plus vigilants pour découvrir la vérité. Même quand c’est difficile. Surtout quand c’est difficile.