Points clés
- La jalousie est enracinée dans l’évolution de notre espèce.
- Si un partenaire est ambivalent ou ne s’engage pas, il peut émettre des signaux qui rendront l’autre partie jalouse.
- La jalousie n’est généralement pas pathologique ou anormale.
L’autre jour, j’ai vu Othello de Verdi au Royal Opera House de Londres, d’après la pièce de Shakespeare. Une semaine auparavant, j’avais vu Cavalleria Rusticana de Mascagni et Pagliacci de Leoncavallo, des opéras en un acte normalement présentés en double programme et familièrement connus sous le nom de Cav et Pag. Trois opéras consécutifs décrivant les conséquences tragiques de la jalousie amoureuse (c’est assez de jalousie à l’opéra pour l’instant ; je n’ai pas l’intention d’ajouter Carmen de Bizet à la liste de sitôt) m’ont fait réfléchir aux aspects psychologiques de cette passion très problématique.
Pourquoi ressentons-nous de la jalousie ? Comme tout ce qui fait partie de notre nature, les émotions telles que la jalousie ont une base évolutive. Nous les ressentons parce qu’elles favorisent la survie et la reproduction. Nous ne pourrions pas rester en vie très longtemps sans nos émotions mélangées et parfois désordonnées, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas connaître de périodes prolongées de bonheur absolu. Ce paquet émotionnel obligatoire comprend des sentiments négatifs comme l’anxiété, qui nous aide à éviter les dangers, ainsi que des sentiments positifs associés à la satisfaction des besoins, comme le contentement. La fonction de la jalousie romantique dans un couple hétérosexuel est également liée à ces paramètres primordiaux, en l’occurrence spécifiquement liés à la reproduction. Un homme voudra s’assurer qu’il continue à avoir accès à la partenaire sexuelle qu’il a choisie, mais surtout il voudra être certain d’être le père génétique si sa partenaire tombe enceinte. Il peut donc ressentir le besoin de se prémunir contre un éventuel coucou opportuniste qui planterait sa propre graine et partirait ensuite sans se faire remarquer.
Toujours du point de vue de l’évolution, une femme se préoccupe avant tout de veiller à ce que son enfant dispose de toutes les ressources nécessaires à sa survie. Si son partenaire partage son affection entre plusieurs femmes, ces ressources seront dispersées et réduites.
Quel que soit le sexe, une faible estime de soi est souvent à l’origine des sentiments de jalousie, mais le fait de se concentrer exclusivement sur la personne jalouse simplifie à l’excès les choses. En effet, pour les raisons expliquées ci-dessus, la jalousie n’est pas toujours – ni même souvent – pathologique ou anormale. Si un partenaire est ambivalent ou n’est pas engagé, il peut émettre des signaux qui feront naître chez l’autre un sentiment d’insécurité et de jalousie potentielle. En d’autres termes, tout comme le fait d’avoir peur et d’être vulnérable est parfois parfaitement adapté dans des circonstances qui valident ces émotions, le fait d’être jaloux sera tout à fait approprié lorsque la menace est réelle. Il s’ensuit que, dans ce type de situation, la personne jalouse n’a pas besoin d’un remède ou d’un traitement. C’est plutôt la relation elle-même qui a besoin d’être soignée, faute de quoi ses protagonistes devront peut-être rompre et passer à autre chose. Le fait d’être accusé d’infidélité (explicitement ou implicitement) a un effet étouffant qui accélère souvent la fin de la relation.
Dans de rares cas, la jalousie peut devenir pathologique, voire délirante, et nécessiter un traitement psychiatrique. Dans ce cas, il est important de veiller à la sécurité de la personne accusée de tricherie, comme l’illustre tragiquement l’histoire d’Othello. L’une des caractéristiques de la jalousie morbide (également connue sous le nom de syndrome d’Othello) est le besoin qu’éprouve la personne jalouse de prouver l’infidélité de son partenaire. Au lieu d’avoir peur de trouver cette preuve, elle la recherche activement. La douleur de ne pas avoir la preuve est encore plus grande que la douleur de la trouver.
La prochaine fois que je réserverai un billet d’opéra, j’essaierai de voir quelque chose de moins douloureux et tragique. Je n’ai pas envie d’une nouvelle histoire de méfiance amoureuse, mais les opéras agréables sont rares. Et encore, le risque d’infidélité reste un thème fréquent, même dans les opéras légers, comme Cosi Fan Tutte de Mozart.
L’opéra aime la jalousie parce que c’est une expérience solitaire et dramatique. Comme l’a dit la romancière Elizabeth Bowen, « la jalousie n’est rien d’autre que le fait de se sentir seul face à des ennemis souriants ».